Paru le 5 octobre 2023 aux éditions Solar.
Le récit sportif fait souvent la part belle aux vainqueurs. C’est dans l’ordre des choses puisque la compétition sert à désigner un premier et à reléguer les suivants parmi les oubliés de l’histoire. Toutefois, la chronique aime revenir sur certains perdants, quand ceux-ci ont été valeureux, quand leur défaite a semblé injuste, quand leur personnalité a été telle qu’elle a transformé une défaite en victoire morale.
Seule la défaite est jolie
Est-ce Léonard Cohen qui le premier a lancé ce terme de « Beautiful losers » qui correspond si bien aux personnalités sportive qu’a choisi de décrire Xavier Garcia dans un ouvrage qui porte (presque) le même titre ? L’auteur en a retenu dix, dont quatre qui sont issues du monde du cyclisme. Faut-il en conclure qu’à vélo, la défaite est plus belle que dans d’autres disciplines ?
Il faut dire que le plus emblématique des perdants magnifiques est un cycliste, l’immense Raymond Poulidor, poursuivi par la malchance dans l’épreuve reine de sa discipline, le Tour de France, où il a eu à affronter d’authentiques gagneurs comme Anquetil puis Merckx. Et dans l’intervalle, quand un champion a tiré sa révérence avant que l’autre ne survienne, c’est la sorcière aux dents vertes qui lui a glissé des bâtons dans les roues. Le nom Poulidor est devenu aujourd’hui synonyme de perdant, de deuxième, de défaites injustes. L’auteur l’utilise même dans son pseudo sur Twitter.
Avant Poulidor, il y eut René Vietto dans les années trente, le gamin promis à la victoire mais qui, parce qu’il n’était encore qu’un débutant, dû céder sa roue à son leader pour favoriser les desseins de celui-ci (lequel, comble de l’ironie, deviendra quelques années plus tard le coach de… Poulidor). Plus tard, il y aura Thibaut Pinot, dernier romantique, contraint d’abandonner sur blessure à deux jours d’une arrivée du Tour qu’il allait probablement remporter.
S’incliner avec panache
Ni Vietto, ni Pinot ne remporteront le Tour. Contrairement à Luis Ocaña, vainqueur du Tour 1973 mais dont on se souvient surtout de la chute spectaculaire deux ans plus tôt alors qu’il s’apprêtait à dessouder la statue Merckx. L’Espagnol conserve curieusement une image de perdant, certes magnifique, car sa défaite de 1971 fut beaucoup plus belle que sa victoire de 1973.
Hors du vélo, Xavier Garcia invite à la table d’autres perdants magnifiques qui se sont illustrés dans de nombreuses disciplines : football, tennis, athlétisme, natation, golf, boxe… Il rappelle la cruelle histoire du Brésil de la Coupe du monde 1982, représenté par son capitaine, le charismatique Sócrates, qui enchante les foules par un football de fête et de samba, mais qui par inadvertance, se fait couper la route du sacre par une équipe italienne qui l’attendait au coin du bois.
La défaite peut prendre différentes forme pour être classée magnifique. Celle du golfeur Jean Van de Velde qu’une invraisemblable malchance a privé d’un British Open dont il aurait été le premier Français vainqueur. Celle de Zola Budd aux Jeux de Los Angeles, perturbée par un incident de course dont le public l’a odieusement accusée d’être responsable. Celles de Vitas Gerulaitis, artisan d’un tennis onctueux qui faisait chavirer les foules mais qui se heurtait à la gagne de ses adversaires. Celles de Shirley Babashoff multi-favorite des épreuves de natations des Jeux de Montréal mais privée d’or par une armée de walkyries (parmi lesquelles Kornelia Ender). Celle de Thomas Hearns, boxeur aux nombreux titres mondiaux qui s’inclina malheureusement sur les deux combats du siècle auxquels il était convié.
Il est avant tout question de panache et l’écriture de Xavier Garcia n’en manque pas. Chacun des chapitres rappelle un morceau de la grande histoire du sport et le récit s’est mis au diapason de l’événement. Il se s’agit assurément pas d’un livre de perdant.
- « Perdants magnifiques, l’art de s’incliner avec panache en 10 portraits » de Xavier Garcia (Solar 2023). 304 pages, 140x225mm. Disponible dans toutes les bonnes librairies et sur le site de l’éditeur Solar.
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