Ouvrage publié le 17 septembre 2024 aux Presses universitaires de Rennes.
Il y a ceux dont l’histoire a retenu le nom : Jesse Owens, Jack Johnson, Panama Al Brown, Battling Siki, Boughéra El Ouafi, Raoul Diagne… et les autres, plus ou moins oubliés : Germain Ibron, Battling Youyou, Abdelkader Abbès, René Menrath, Tommy Bakou, Henri Soya, Ali Neffati, Paul Hams, Bob-le-Noir… Tous ces champions ont subi de la part de la presse de leur époque, à des niveaux divers, des stéréotypes raciaux, et un manque de reconnaissance lié à leur couleur de peau.
La fabrique médiatique de l’altérité
Un ouvrage conduit par Yvan Gastaut, Didier Rey et Philippe Tétart se penche sur le parcours de champions dits “de couleur” qui ont brillé entre le XIXe siècle et les années 1940. Ces champions sont emblématiques de leur époque et du regard que l’on portait sur les personnes noires, principalement conditionné par la presse.
Les chapitres se succèdent dans un ordre chronologique et chaque texte, rédigé par un chercheur différent, révèle le caractère raciste du traitement dont chaque champion fait l’objet dans la presse. Celui-ci s’estompe quelque peu au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, mais les chroniqueurs restent solidement accrochés à leurs stéréotypes, même s’ils avouent une admiration sincère pour les performances du sportif.
L’ouvrage fait revivre de nombreuses figures dont la plupart n’existent plus que dans les mémoires des spécialistes. Dès l’introduction toutefois, les auteurs font état d’un manque : l’ouvrage ne propose aucune histoire de femmes, en raison, expliquent-ils, du manque de contenu journalistique d’époque sur le sujet.
Entre mythes et réalités
Le livre révèle que dans la France des années 1860-1930, ainsi qu’aux Etats-Unis, existait un vivier de sportifs noirs, notamment dans la boxe, le cyclisme, la lutte, le rugby, le football… Celui-ci a pourtant été effacé des mémoires, laissant croire, à tort, que la présence de champions de couleur dans les compétitions actuelles serait un phénomène récurrent.
Le copieux ouvrage publié aux Presses universitaires de Rennes explique surtout la construction médiatique de l’altérité en analysant la presse de l’époque. Il met en lumière la diversité des discours tenus sur ces sportifs et l’ambivalence de leurs représentations. Il s’oppose en revanche à l’idée que ces athlètes auraient toujours été victimes de racisme et aurait été systématiquement rejetés ou maltraités par la presse.
La réalité, comme toujours, est plus nuancée. Nul ne peut nier que la question raciale reste présente dans les écrits, mais elle passe souvent au second plan. Elle disparaît totalement parfois, laissant place à une admiration sincère du journaliste pour le champion. Le livre nous donne à voir toute la complexité d’une histoire en évitant les pièges de la caricature.

- “Les champions dits de couleur entre mythes et réalités, la fabrique médiatique de l’altérité (années 1860 – années 1940) sous la direction de Yvan Gastaut, Didier Rey et Philippe Tétart 2024 Presses universitaires de Rennes). 506 pages. 165x240mm. ISBN:978-2-7535-9690-0. Disponible dans toutes les bonnes librairies et sur le site des Presses universitaires de Rennes.
















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